Le faisandage
Le faisandage
Une opération prudente
Le mot faisandage vient de faisan. La chair trop fraîche de ce gibier est un peu sèche mais, quand on laisse reposer l’oiseau dans ses plumes pendant une petite semaine, cette chair s’attendrit et prend un fumet, un arôme délectables. Cette modification que l’on peut faire subir à tous les gibiers à plumes et à poils est sévèrement combattue par les hygiénistes. Quant aux amateurs qui apprécient la saveur et l’arôme un peu fort d’un gibier, ils sont loin d’être unanimes sur le temps de faisandage.
Si les avis ont de tous temps été partagés à ce sujet, nous sommes cependant, aujourd’hui, très loin des goûts de Montaigne qui prônait « l’altération de la saveur » en parlant de la bécasse ou de Brillat-Savarin qui recommandait d’attendre le verdissement de l’abdomen du faisan avant de le consommer…
De nos jours, rares sont les gastronomes qui conseillent un faisandage assez poussé car, de toute évidence après un tel laps de temps, la distinction entre « faisandé » et « putréfié » devient très délicate à établir et une erreur de diagnostic peut créer des accidents graves d’intoxication.
Il convient donc d’être très mesuré. La première chose à observer attentivement et qui détermine de façon catégorique si l’on peut laisser faisander le gibier ou non, est l’aspect externe de l’animal. A-t-il été délabré par un coup de fusil tiré trop près ou bien présente-t-il une blessure nette causée par un ou deux plombs ? Dans le premier cas, il n’y a pas à hésiter, le gibier doit être consommé frais sans aucun faisandage. Dans le second cas, le faisandage est possible.
Mais il faut être toujours très prudent et considérer que cinq ou six jours d’attente pour un gibier à plumes est plus que suffisant. Cette attente se fait dans un endroit frais et l’on suspend le gibier par les pattes pour éviter que la chair ne soit en contact avec un objet quelconque et faciliter ainsi la plus grande aération de la bête.
Pour le gros gibier (chevreuil, cerf, sanglier…), la technique de la marinade équivaut à celle du faisandage et présente l’avantage de mettre la viande à l’abri des microbes. On peut laisser mariner ce gibier une dizaine de jours, sans risque.
Diététique du faisandage
Le faisandage était naguère une opération très complexe et délicate. Elle s’adressait à du gibier tué en pleine action, ayant accumulé de l’acide lactique dans les muscles et, surtout, non saigné. La présence de sang dans les muscles ralentit beaucoup la maturation de la viande, c’est-à-dire l’attendrissement lié à un début d’auto-digestion. Les macérations du faisandage répondent à une série d’objectifs :
1 – Retirer les facteurs qui empêchent la maturation de la viande et accélérer cette maturation.
2 – Utiliser les antibiotiques naturels du vin, de l’ail, de l’oignon, du thym, pour permettre la maturation en empêchant la prolifération microbienne.
3 – Pousser la maturation jusqu’à un stade suffisant pour développer les saveurs dues aux produits de digestion de la viande (peptones, aminoacides).
4 – Fixer les arômes des condiments sur le gibier.
Le faisandage est donc une opération très délicate qu’on savait très bien mener du temps où le gibier et la chasse étaient pratiquement les seules sources de viandes. Actuellement, la pratique en est oubliée. Son danger est de le pousser trop loin et de laisser la viande pourrir. Les ptomaïnes et les histamines qui apparaissent alors peuvent produire des réactions dites allergiques : urticaire, œdèmes, démangeaisons, asthme et troubles intestinaux.